D’où vient l’expression « être chocolat » ?

 « être déçu, frustré », « avoir perdu », « être dépité »

L’origine de cette expression est à chercher dans le monde du spectacle et du Cirque : En 1896, un duo réunit le clown blanc « Foottit » et le clown « Chocolat », ainsi baptisé parce que son visage est noir.   « Chocolat » subissait toutes les facéties de son compère. Il terminait le numéro en s’exclamant :

« Je suis Chocolat !  ». Il affichait alors une mine déconfite,ImageChocolatFilm

semblait désolé et …déclenchait les rires !

Ce « succès » aux relents racistes s’explique par le contexte de l’époque coloniale : Quand Paris accueille l’Exposition universelle de 1889, 32 millions de visiteurs découvrent la tour Eiffel. Ils s’émerveillent de l’Empire français d’outre-mer en visitant les villages « indigènes ».   Footit et Chocolat sont alors des vedettes. Leurs sketches sont ponctués par une autre réplique fameuse : « Monsieur Chocolat, je vais être obligé de vous frapper… ». A cette époque : Rires garantis !

Même si un doute subsiste sur le véritable message des duettistes :  derrière les clichés racistes, ne s’agissait-il pas, en fait, d’humour au second degré ?

Quoi qu’il en soit, derrière le clown qui « amusait la galerie » vivait un comédien et un homme (Rafaël Padilla ou « de Leios » fils d’esclave, né en 1864 à Cuba, fuyant lui-même un maître portugais qui l’avait emmené en Europe). Son destin est injustement méconnu.   Toulouse Lautrec le dessina au moins deux fois. Les Frères Lumière, inventeurs du cinéma, réalisèrent avec lui un petit bijou burlesque : « La Mort de Chocolat ».

La popularité de « Footit (à la ville Tudor Hall) et Chocolat » culmine en 1905 aux Folies Bergères. Mais en quelques années le public de la « Belle Epoque » (qui est aussi l’époque du colonialisme triomphant) se lasse de ces bouffonneries cruelles. Les deux comparses finissent par se séparer en 1910.    Et la fin de « Chocolat » est amère : Boudé par le public, vilipendé par la presse, il meurt en novembre 1917, dans le plus profond dénuement : Le clown Chocolat, la vedette noire qui faisait rire les Français à ses dépens, est enterré avec les indigents, au cimetière protestant de Bordeaux, rue Judaïque. Comme un ultime pied de nez aux haines de son temps.

Le film « Chocolat » sorti sur les écrans Réunionnais en février 2016 retrace l’histoire de ce duo remarquable (joué par Omar Sy et  James Thierrée), avec humour même si le réalisateur  Roschdy Zem admet quelques libertés avec l’histoire réelle.